Sans prendre de recul, j'ai cette forte impression que le gouvernement a envie de recréer un oligopole de la téléphonie mobile française.
Franchement, les opérateurs ont vraiment besoin de licencier au point que le gouvernement prend leurs demandes au sérieux ?
Je crois que ce gouvernement est à la fois embarrassé et peu compétent sur la question. Ecartelé entre le bien-être du consommateur et le bien-être de l’emploi.
Les potentielles/éventuelles disparitions d’emplois chez SFR et B-T ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
C’est l’investissement tout entier qui est remis en cause, et c’est ça qui pourrait couter beaucoup d’emplois. Car pas d’investissement aujourd’hui, pas d’emplois demain.
Le problème de fond est le suivant :
Les Licences d’O-F, S.F.R. et de B-T étaient/sont basées sur une concurrence par les infrastructures. Ca implique une rentabilité à moyen terme, vu l énormité des investissements. Ce fut la logique de l’ART puis de l’ARCEP depuis le début du GSM en France.
La Licence de Freemobile est très différente, fondée sur une concurrence ultralibérale et fortement dissymétrique, qui induit une rentabilité sur le court terme. Sans que l’ARCEP ne prévienne les trois premiers du changement de règle, à ma connaissance (je peux me tromper, mais ça ne change pas grand-chose).
Pour schématiser, Freemobile, avec un investissement extrêmement modeste, a immédiatement accès à la quasi-totalité de la couverture nationale métropolitaine en 2G et 3G, là ou les trois autres ont mis 6 à 8 ans pour parvenir à ce résultat et voir leur premier centime de bénéfice.
Donc, vu d’un investisseur potentiel, la question est la suivante : « pourquoi désormais se casser la tête à investir dans des infrastructures ? »
Un exemple : Aujourd’hui la 4G LTE mobilise le gros des investissements des opérateurs de téléphonie mobile. Mais qui dit que ce sont ceux qui investissent qui profiteront de leur investissement ?
D’où l’énorme coup de frein et les arbitrages dans les budgets des trois MNO concurrents de Freemobile. Moins pour O-F toutefois, puisqu’il joue sur les deux tableaux : partenariat et concurrence !
D’où les contrats des prestataires terminés prématurément. D’où les embauches gelées. D’où les Plan de Départs Volontaires et autres licenciements larvés.
Pour reprendre la question que se pose l’investisseur potentiel, pour pouvoir louer une infrastructure existante, encore a-t-il fallu que quelqu’un d’autre investisse et la construise !
En aparté : dans n’importe quel domaine, le « low-cost » n’existe que parce qu’il y a eut auparavant du « high-cost » !
Sous cet angle, on peut concevoir que les trois MNO concurrents soient assez circonspects si les mêmes conditions d’itinérances 2G et 3G accordées à Freemobile sont étendues à la 4G LTE.
Si c’est ce que l’ARCEP souhaite --ou souhaite laisser faire-- alors autant dire clairement que désormais c’est Orange-France qui aura le monopole absolu, avec son partenaire Freemobile. La concurrence n’aura qu’à faire faillite et disparaître, MNO et MVNO compris.
Ou bien l’Autorité de Régulation fait son métier d’arbitre et de régulateur, afin que les règles permettent l’égalité des chances entre les parties en présence.
Si la nouvelle politique de l’ARCEP est de forcer par ce biais à la mutualisation des infrastructures, alors c’est un procédé bien maladroit, totalement contre-productif, car la confiance entre 41 opérateurs de téléphonie mobile et l’ARCEP est durablement ébranlée.
Si l’ARCEP n’intervient pas, elle ne sert donc à rien. Autant qu’elle disparaisse, ça coutera moins cher aux contribuables.
Et alors la concurrence deviendra sauvage, sans autre règle du jeu que la puissance de l’argent.
Demain, autour de la table ronde ministérielle où ces aspects seront peut-être évoqués, Xavier Niel ne viendrait pas ?
Si ça se révèle exact, c’est la porte ouverte à bien des commentaires et interprétations.