Il va falloir remettre l'ouvrage sur le métier. C'est en gros le message que vient de faire passer la Commission européenne à l'Autorité de régulation française des télécoms, l'Arcep. Après examen du cadre réglementaire français pour le déploiement de la fibre optique dans les zones peu denses, Bruxelles a estimé que les opérateurs « puissants sur le marché » risquaient d'être favorisés. Le patron de France Télécom Stéphane Richard a beau clamer haut et fort que l'ère de la régulation « asymétrique » est terminée, les autorités européennes jugent au contraire qu'il faut continuer d'appliquer des règles plus contraignantes aux leaders du marché du haut débit.
Bruxelles s'inquiète du « point de mutualisation ». C'est l'endroit où les opérateurs viendront se raccorder au réseau déployé par l'un de leurs concurrents. Ce dernier aura obtenu le statut d' « opérateur d'immeubles » et sera donc le seul à poser de la fibre optique sur les derniers mètres, jusqu'à la porte des habitants. Comme il serait trop coûteux de dupliquer l'infrastructure à ce niveau, l'opérateur d'immeuble aura l'obligation de partager son réseau d'accès avec ses concurrents, contre rémunération, bien sûr.
Dans le projet français, le point de mutualisation ne rassemble que 300 logements minimum. Les opérateurs alternatifs militaient pour un raccordement plus haut dans le réseau, autour de 2.000 logements. Cela aurait permis de limiter leurs investissements en fibre optique pour aller chercher le point de mutualisation. Apparemment, Bruxelles est sensible à leur requête à en juger par sa déclaration : « La Commission demande à l'Arcep de déterminer, lors de la mise en oeuvre de l'obligation d'accès, si la taille des points de concentration proposés est suffisante pour garantir un co-investissement dans les zones moins denses et, si ce n'est pas le cas, de modifier la taille minimum. »
L'Arcep avait pourtant trouvé un « patch » pour compenser le bas niveau du point de mutualisation : si le point de mutualisation est inférieur à 1.000 logements, l'opérateur d'immeuble a l'obligation d'offrir un service de « collecte » -c'est-à-dire de mettre à la disposition de ses concurrents de la fibre optique (fibre noire) jusqu'à leur réseau principal.
Mais pour la Commission, une offre de collecte ne peut être qu'un remède, lorsque, une fois le réseau déployé, on constate un déséquilibre. De plus, elle critique le recours à cet outil de régulation qui ne fait pas la différence entre les opérateurs « puissants sur le marché » et les autres : « Cette utilisation intensive d'un instrument réglementaire symétrique par l'Arcep pourrait représenter une charge disproportionnée pour les opérateurs qui ne sont pas considérés comme puissants sur le marché et, finalement, dissuader les opérateurs tiers d'investir. » Voilà une conclusion qui devrait satisfaire Free et SFR.
En fin de compte, la Commission suggère que l'Arcep termine rapidement son analyse du marché de gros haut débit -l'Arcep a prévu de la soumettre à l'Autorité de la concurrence avant la fin de l'année et de l'envoyer à Bruxelles au premier trimestre 2011. Au vu de ce contexte, le régulateur français devrait examiner l'éventualité d'imposer « d'autres formes asymétriques d'accès aux infrastructures en fibre de l'opérateur puissant sur le marché » : dégroupage de la boucle locale, accès de gros, et « autres mesures correctrices associées ».
Source le journal les echos 2/12/2010
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/020975547301-bruxelles-critique-le-plan-francais-de-deploiement-de-la-fibre.htm