Les Echos du 7 septembre 2005 - Page 29
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ILIAD
FREE
Michaël Boukobza, le poil à gratter de Free
Le directeur général du fournisseur d'accès Internet n'hésite pas à manier l'humour et la provocation.
Free est le fournisseur d'accès Internet dont le prince est un enfant. Ou presque. Son directeur général, Michaël Boukobza, a vingt-sept ans : il est né en juin 1978. Un âge qu'il révèle à contrecoeur ou qu'il vieillit de quelques années. Il craint que sa jeunesse ne soit un handicap. Pas chez Free, où ni l'âge ni le diplôme ne sont des critères : le fondateur Xavier Niel, autodidacte de trente-huit ans, se targue de n'employer aucun polytechnicien. Mais plutôt dans ses négociations avec France Télécom ou TF1, dont les dirigeants ne sont guère enclins à s'extasier devant ce petit prodige. « Je vais vous clouer au mur dans le sang », s'est un jour énervé Patrick Le Lay.
« Conviction mutuelle »
Il faut dire que Michaël Boukobza sait être insolent. Orateur assuré et plutôt brillant, c'est lui que Free envoie comme porte-parole dans moult colloques et débats, où il se retrouve face à ses concurrents et ses adversaires du moment (TF1 et M6, avec qui Free est en conflit au sujet de la télévision sur ADSL). Alors, maîtrisant l'ironie, il n'a pas son pareil pour tourner en ridicule ses détracteurs en mettant les rieurs de son côté. Au point que, parfois, son chef Xavier Niel lui demande de modérer ses ardeurs. « Je ne résiste pas devant le plaisir de faire un bon mot, admet-il. Mais j'essaie d'être un peu moins provocateur. » Toutefois, Xavier Niel, qui fuit toute médiatisation, est ravi d'envoyer son poulain en représentation à sa place. Et s'amuse beaucoup quand, au restaurant, la serveuse le prend pour l'employé du petit Michaël, qu'elle a vu dans les journaux ou à la télé.
« Nos rapports ne relèvent pas seulement du rapport hiérarchique, mais aussi de la conviction mutuelle », dit notre surdoué de l'Internet. Un psychanalyste verrait dans le principal actionnaire de Free un grand frère ou un père spirituel pour le jeune Michaël. Les deux hommes se sont rencontrés fin 1999. Michaël Boukobza, alors jeune diplômé, entend dire que les négociations pour l'entrée de Goldman Sachs au capital de Free s'enlisent. Il fait porter son CV à Xavier Niel. « En réalité, le porteur c'était moi, je n'avais pas les moyens d'en payer un », dit-il aujourd'hui. « Le CV n'était pas d'une propreté absolue, se souvient Xavier Niel. Je me suis dit que celui qui avait le culot d'envoyer ça méritait d'être reçu. Je lui ai proposé de faire ses preuves avec la négociation avec Goldman Sachs. Il s'en est sorti brillamment [NDLR : Free est alors valorisé 300 millions d'euros], et donc je l'ai embauché. » Récemment, c'est encore lui qui a mené les négociations pour le rachat d'Altitude Telecom, annoncé lundi dernier.
Michaël Boukobza, fils du gérant d'un Centre Leclerc, dit « travailler beaucoup », ce qui lui laisse peu de temps pour ses loisirs (ski, tennis, ski nautique) ou pour défendre les causes qui lui tiennent à coeur, comme l'existence d'Israël. Il est aussi riche - enfin, potentiellement. Pas tant via son modeste salaire (80.460 euros en 2004), mais via ses 1,3 % dans Free, qui valent en Bourse près de 25 millions d'euros. Il a déjà récolté près de 5 millions en vendant une partie de ses titres. C'est aussi le gendre idéal : il est actuellement célibataire après une longue histoire avec Aurore Longuet, fille de l'ancien ministre. « Je n'ai pas le sentiment d'être arrivé, que les choses soient acquises », dit-il. « Son point faible est que, jusqu'à présent, il n'a pas connu l'échec », conclut Xavier Niel.
JAMAL HENNI
Itinéraire
Diplômes : Sup de co. Paris
et maîtrise de sciences
de gestion à Dauphine.
1998 : passage au département fusions-acquisitions
de Rothschild à Paris.
1999 : passage au département fusions-acquisitions
de Morgan Stanley à Londres.
Rencontre avec Xavier Niel.
2000 : directeur général
adjoint d'Iliad, maison mère
de Free.
2004 : directeur général d'Iliad.